mardi 16 juin 2009

Vito

Il y a quelques semaines, à la faveur d'un de ces trop rares samedis ensoleillés, je flânai dans Sankt Pauli. Les gens avaient de bonnes mines, des dégaines branchées ou ringardes mais finalement branchées, du monde mais pas l'enfer non plus. Moment parfait.
Soudain, une entrée arborée m'interpelle: "wie schön!, wie klasse!" me dis-je, vraiment des arbres en pleine ville, ça me surprend toujours, les briques rouges, le contraste avec le ciel bleu,l'architecture industrielle ancienne, le fer,les pavés.Oh, des agences artistiques web-prod-ciné-télé-cool-quoi ont rénové un bâtiment, pas mal le petit roseau (qui ne va pas tenir, le pauvre, avec le manque de lumière et le froid,il n'a aucune chance, passons).Tiens, encore des gens qui ont perdu un chat et qui mettent une jolie annonce pour tenter d'alerter les voisins. Bien chouette le coin, non?


Puis, je vois cette paire de basket, je trouve le contraste intéressant, le rouge, le blanc, je m'amuse de la symétrie entre l'ombre et les chaussures, je fais des images...


Un homme apparaît, il traverse la cour.


Il se dirige, d'un pas décidé vers les chaussures, les ramasse, s'approche de moi


"Désolé, je les ai nettoyées, elles sèchent au soleil, vous pouvez faire de plus belles photos, à présent"
Je note un fort accent, mais j'explique à mon tour, "que c'est la présence des baskets, les contrastes, les symétries, qui donnent tout leur sens aux images, qui d'ailleurs n'ont aucune prétention, c'est un blog-note-enfin-vous-comprenez-quoi". D'autant plus pas de l'art, que je viens de voir que je suis en 800iso, en réglages intérieur lumière artificielle, alors que pas du tout faut même pas 50iso avec ce soleil...Bref.

Il sourit mais il ne voit pas très bien, il m'invite à faire le tour du lieu.

Oh "wie-pas-très-schön-en-fait"



"Vous connaissez bien les lieux on dirait"
"Oui j'habite ici"
"Ah bon, c'est rudement chouette non?"
"Vous voulez voir chez moi?"
"Non mais, je ne veux pas déranger, c'est samedi, non je ne vais pas abuser, vraiment, ça me gêne".
Après je ne sais plus comment insister pour dire non en allemand, alors je laisse tomber.
"D'accord, c'est quoi votre nom?"
"Sarah et vous?"
"Vito, comme le Mercédès"
Oui ça je connais, j'en ai conduit un c'est super agréable, pour les déménagements, enfin je garde ça pour moi.
"Et vous habitez là depuis longtemps?"
"Quelques années"



Oui Vito, habite là depuis quelques années, il travaille sur le port, il a des cales aux mains. Il est portugais,sa famille est restée au pays, il vit à Hamburg depuis 15 ans, il parle mal allemand, parce qu'évidemment, il ne rencontre aucun allemand, ses "collègues" comme il dit, viennent de l'Est, d'Espagne, d'Afrique du Nord...ils parlent un allemand de base qui suffit à la subsistance, à générer et à résoudre la plupart des conflits.
Avant, il vivait avec des "collègues" ici mais il est seul à présent et c'est mieux ainsi.
Le week -nd, il fait des courses, la lessive, il range et nettoie son petit logement (avec douche et wc me signale-t-il).
"Tu veux un coup de schnaps?"
"non non Grands Dieux non!
Il a beaucoup plu ces derniers temps, le plafond est pourri, il a fallu mettre des bâches pour protéger les lits.
Le matin, en semaine, les jeunes des agences web-design-prod-télé-ciné, arrivent tôt et font un bruit pas possible, mais bon il doit partir bosser alors c'est pas bien grave.
Le week-end il dort aussi beaucoup, parce qu'il est fatigué, qu'il ne connaît pas grand monde, qu'il n'a pas d'activités, à part écouter la radio.

Il a gardé les lapins de Pâques pour décorer.
"Tu veux du chocolat?"
"Non merci c'est gentil".

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